LE PIPO

J’ai appris la musique, ou ce que je sais d’elle, sur un bout de papier sans portées. Des notes écrites en toutes lettres : DO RE MI FA SOL LA SI.
Il avait neuf ans et moi dix. Peut-être. Il apprenait la clarinette à l’harmonie municipale. Et moi non. Je l’avais trouvé gentil de recopier pour moi en langage clair les portées compliquées de ses partitions.
A l’heure de la sieste je m’échappais avec le gros vélo de papa à selle de mobylette jusqu’en bas du village, à la rivière. Là je descendais sur les piles du pont. C’était pas un endroit dangereux, ça faisait juste un peu risqué. Et je sortais mon pipo en bambou acheté aux Sables-d’Olonne pour jouer dans un souffle concentré GE DU BON TA BA.
Mon public c’était le village. Le village endormi sur ses deux oreilles à l’heure de la sieste.